Conseils à un jeune écrivain de Roman Jeunesse
Écrire, ce n’est pas noircir du papier avec la préoccupation d’accumuler des péripéties qui « fassent le poids ». Ce n’est même pas tenter de bâtir une histoire vraisemblable ou rocambolesque qui puisse rivaliser avec celles que tu as pu lire ou voir au cinéma, c’est d’abord créer des personnages et vivre passionnément dans leur intimité. C’est aussi les placer (de préférence) dans des lieux que tu connais et où tu te vois toi-même en rêve, chaque fois que tu as envie d’être heureux.
Mais rien ne t’empêche de regrouper pour les besoins de la cause lieux et personnages que tu as connus, toi, en des sites géographiques et des temps très divers. Le lecteur, lui, ne le saura jamais.
Ces personnages, tu dois t’efforcer de les rendre d’emblée si présents qu’ils ne parviennent plus à quitter ton esprit. Quand ils commencent presque à t’empêcher de dormir ou viennent te visiter dans tes rêves, tu tiens le bon bout.
Ceci, adopte dès le départ, surtout si tu n’es pas sûr de toi, le style le plus simple possible. Cherche la précision. Pas de longues phrases, des mots qui fassent image et décrivent juste ce que tu veux décrire. Ne poursuis pas d’emblée l’écriture parfaite, mais plutôt la spontanéité. Si tu hésites, écris comme tu raconterais l’histoire qui te tracasse à ton meilleur copain. Par la suite tu corrigeras les « bavures ».
Chaque fois que tu le peux, remplace une description par un dialogue. Le dialogue aussi, c’est de l’action. Quand tu brosses un décor, souviens-toi que ce n’est qu’un décor, qu’on attend surtout que se joue la pièce.
Quand tu tiens tes personnages et la situation de départ, il n’est pas mauvais de jeter sur le papier toute ton intrigue. Soit d’un seul jet, soit après découpage chapitre par chapitre (découpage provisoire que tu pourras modifier par la suite). Mais il vient un moment où il faut se jeter à l’eau, même si tu n’as pas arrêté toutes les péripéties ou si tu hésites sur le dénouement. Un principe de base à respecter : chaque chapitre doit faire progresser l’énigme d’une façon ou d’une autre (fût-ce par une fausse piste créée pour les besoins du suspense). Les chapitres de remplissages sont à fuir comme la peste.
Les romans les plus difficiles à écrire sont ceux qui mettent en scène beaucoup de monde. Un récit centré autour d’un ou deux héros bien typés (à la rigueur d’une toute petite équipe si le sujet l’exige), même s’il fait apparaître de nombreux personnages secondaires, est un choix prudent pour un débutant.
Méfie-toi comme la peste des digressions et des bavardages. Tu as peut-être un message à délivrer, même si c’est simplement la défense de la motocyclette ou des cheveux longs, mais c’est par le comportement du héros et le canal de ton intrigue que le message doit passer. Le roman est une chose, l’essai sur le discours politique une autre chose. Et maintenant, dis-toi que si l’entreprise t’apparaît comme une corvée, il est préférable que tu ailles pêcher à la ligne. Si par contre elle te plaît, mets-toi à ton aise et écris chaque fois que tu en auras envie, fût-ce dans un hamac ou sur une planche en travers de ta baignoire (c’est ainsi, paraît-il, que le citoyen Marat a composé ses meilleurs écrits !). Tout le monde n’est pas Voltaire, et tu aurais tout le temps d’acheter plus tard ton habit d’académicien. Jean-Louis FONCINE